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Rivière Ovangue 3 - Rembo N'komi

par Orevuno 29 Avril 2023, 09:01

J3 :

 

Le niveau de l’eau est encore monté de 30 centimètres ce matin.

Il n’a pas plu et une nuit paisible, au sec, nous a fait du bien.

La rivière est désormais vraiment large et le puissant courant nous permet d’avancer rapidement.

Il faut être vigilant dans les observations, prompt à l’anticipation quand un feuillage bouge ou qu’un son trahit une présence, afin d’immobiliser ou de ralentir le kayak le plus vite possible.

Le rétropédalage est épuisant et le plus souvent impossible.

 

 

 

 

 

 

 

Une chorale de touracos accueille cette nouvelle

journée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les rives dissoutes dans ces forêts inondables sont d’accès difficiles et offrent un paysage capricieux et changeant. Sous le dais de branches basses aux lourdes ramures, de racines adventives entremêlées de lianes frivoles, la lumière s’infiltre, étincelle, rebondit, dessine des ombres, suggère des contours. 

Il faut se baisser, écarter la végétation pour distinguer quelque chose dans le clair-obscur de ce paysage saisonnier.

Des formes mouvantes, à moitié immergées, à moitié redressées sur un tronc mort, attirent notre regard. On se stabilise en s’accrochant à une branche. 

Une autre est posée sur un petit îlot. 

Elles n’entrent pas dans le registre habituel de nos observations. On distingue un dos, une queue, une tâche blanche ? Dans ce sous-bois ombragé, l’observation n’est pas nette.

Elles ne semblent pas nous fuir et se rapprochent même progressivement. 

Enfin, nous les distinguons nettement: des loutres !

Peu farouches, elles s’éloignent, plongent, reviennent, curieuses, intriguées tout autant que nous. L’une d’elles, encore plus intrépide, émerge à trois mètres de nous.  Deux yeux noirs, facétieux, surmontent le poil blanc des joues qui descend sur le cou et le poitrail. 

Nous sommes sous le charme de ces bouilles poilues qui nous offrent le plaisir de cette visite.

Elles jouent, tourbillonnent, s’amusent de cette distraction pendant de longues minutes, puis disparaissent définitivement sous un couvert de feuilles vertes et de fleurs blanches.

Le spectacle est d’autant plus réjouissant qu'il est relativement rare.

Un parfum de jasmin s'échappe du feuillage et embaume l’instant.

 

Les loutres à joues blanches du Congo ( Aonyx congicus) sont assez mal connues. 

Elles peuvent mesurer de 90 à 150 centimètres et peser jusqu’à 20 kilos.

De moeurs nocturnes, elle peut être observée de jour dans des zones où son habitat est préservé des perturbations humaines. Généralement solitaire, des familles sont parfois observées.

 

 

 

 

Les ploufs de crocodiles se succèdent, les visions sont furtives..

 

 

Un bruit, un craquement, une trompe d’éléphant s’élève au-dessus des hautes herbes.

On tente de remonter le courant, mais le pachyderme a déjà disparu.

 

Notre dérive sans effort nous laisse tout le loisir d’apprécier le paysage. Les sauts acrobatiques des singes, nez-blancs, colobes, torcatus, moustacs, sont un divertissement sans cesse renouvelé.

Un petit python s’est enroulé, indolent, sur une branche basse.

 

Une savane sèche apparaît dans un renfoncement dégagé. On l’aborde par curiosité.

Cette étendue dégagée semble incongrue dans le paysage sylvestre compact que nous avons traversé depuis notre départ et nous offre une respiration visuelle apaisante.

Un bâtiment délabré en bois au beau milieu, plus loin une vieille locomotive, un véhicule rouillé tout au fond, une ruine de container là bas, pas de doute, nous sommes sur le site d’un ancien chantier forestier, mais vraiment ancien celui-là.

 

Ces multiples chantiers que nous avons rencontrés lors de nos expéditions ponctuent l’histoire du Gabon, pays forestier. Ils ont tracé des pistes, regroupé des villages, peuplé des coins reculés.

Musées à ciel ouvert, on peut les dater selon les vestiges qu’ils laissent derrière eux. 

Ici, aucune crainte d’inondation, le toit en tôle a survécu par endroits, il reste un espace où le plancher a résisté, surélevé, bien au sec. C’est un palais !

Il n’est que 16 heures mais nous décidons de profiter de ce havre bienfaiteur.

J4 :

Douce et calme fut la nuit dans cet espace ouvert. Pas de vision de buffles malgré les nombreuses traces visibles dans la savane.

La rivière s’élargit encore, ses contours disparaissent loin dans le sous-bois. 

 

Un premier petit campement désert de chasseur surplombe un virage, premier signe d’humanité depuis le départ. D’autres suivront, puis un piroguier au loin nous salue.

Les cris de dizaines de perroquets déchirent l’harmonie du matin. Une tortue d’eau douce se repose sur le bord. Le courant nous porte toujours, mais la faune se fait plus discrète.

 

 

 

 

Nous arrivons au premier ferry Maurel-Prom qui permet la traversée. Nous l’avions emprunté avec Manny il y a 3 ou 4 ans en venant de la base pétrolière pour rejoindre Mandji.

 

C’est à cette occasion que j’avais fait la connaissance de cette rivière que je m’étais promis d’explorer en amont.

 

 

Le village Omengo surveille l’orée du lac Niembi qui s’étend vers le nord. Une sono surpuissante, des cris désaccordés, des rires trompettés, la régab coule à flot.

Nées de l'exploitation du pétrole ou du bois, ces base-vie fracturent le silence des lacs,

Bienvenue à FLAMENGO

Ici commence le Rembo N’Komi.

 

Il est déjà 16 heures. Depuis le village Omengo les berges sont de plus en plus difficiles d’accès, noyées dans la ventripotence du cours d’eau; plus aucun campement, plus aucun village. Le ciel est bleu devant nous, mais en me retournant j’aperçois une énorme masse noire qui nous poursuit: un énorme cumulo-nimbus qui ne cache pas ses intentions.

Sur le GPS, une piste devrait bientôt croiser la rivière. On pagaie à tour de bras, le vent précurseur de l’onde tropicale soulève les premières vagues.

Définitivement, cette petite saison sèche est complètement déréglée.

Enfin ça y est, à bout de souffle, un débarcadère apparaît sur la droite avec une espèce de ferry à moitié coulé. Les premières gouttes sont là, épaisses, cinglantes. On se précipite, on remonte les kayaks le plus haut possible sur le terre plein, puis on court vers un abri de fortune qui n’aura jamais aussi bien porté son nom. C’est une espèce d’abri-bus en dur, sol en béton, toit en tôles, protection inespérée face au déluge qui s’abat maintenant.

Eclairs percutants, tonnerres assourdissants, l’orage se déchaîne.

 

 

 

 

 

 

Nous sommes mieux là que sur l’eau ! 

L’accalmie survient au bout d’une heure. Nous sommes ici aussi à l’abri d’une grosse crue.

On arrime les tentes comme on peut sur le sol en béton, on prend un petit bain, on remonte les kayaks jusqu’à nous, et on attaque notre festin du soir, notre fidèle semoule-haricots rouges !

La première lame est passée, mais la deuxième n’a pas dit son dernier mot. Plus d’orage, mais une véritable tempête pluvieuse qui balaie nos tentes mal fixées. On balance tous nos sacs à l’intérieur et on s’allonge sur le sol pour les maintenir.

Après une nouvelle heure de déchaînement météorologique, le calme revient, la nuit est tombée. 

Pas de gros dégâts, un peu trempés, on réaménage le campement, on est pas si mal. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 






 

 

 

 

 

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